Le progrès

Réussirons-nous à sauvegarder la Planète, à repenser fondamentalement le vivre ensemble ?

Désarçonnée, perdue dans le flot médiatique, tétanisée  par les crimes atroces de l’Etat islamique, jamais l’humanité ne s’est interrogée avec une telle ampleur sur la nature de l’Homme. Certains animaux peuvent être d’une cruauté infinie. L’homme aussi. Jamais on ne s’est posé, avec une telle lucidité, les questions existentielles : le sens de la vie, de l’amour et de la mort, l’origine de l’Univers, l’essence des religions, la démocratie… Osons la question : le Progrès est-il encore possible ? Confronté à la fragilité du corps, à la pulsion de mort, à la volonté de puissance, à la cupidité, au fait qu’il y aura toujours de la violence dans le cœur des hommes, l’humanité a-t-elle encore quelque pouvoir sur le futur ?

Ces interrogations nous amènent à insister sur le progrès, plutôt que sur la croissance, certes nécessaire, mais souvent axée sur le profit et davantage exposée aux dérives d’un capitalisme mercantile. Insister en faveur du progrès, c’est viser une action déterminée et solidaire, centrée sur le bien commun.

La richesse n’est pas un mal en soi. Les dépenses somptuaires, pour rehausser le prestige d’une institution ou d’un Etat, pas davantage. Mais leur coût exige une contrepartie pour le voisin. Il faudra imaginer de nouveaux mécanismes de solidarité pour atténuer l’inégalité des richesses, chaque fois que les écarts, comme actuellement, deviennent moralement insoutenables.

Il faut dénoncer par  ailleurs l’imprudence de ceux qui, s’appuyant sur une réputation d’expert, ont tendance à développer des discours foncièrement pessimistes en contribuant ainsi au fatalisme et au déclinisme ambiant.

Progrès s’oppose au fatalisme. L’histoire est éminemment cyclique, scandée par des fécondes périodes d’inventivité, de création artistique, d’innovations techniques, tandis que d’autres sont plombées par le retour de la barbarie.

Sans cesse, l’Homme doit repenser le monde. Face aux menaces actuelles, le programme de la COP 21, les manifestations des « indignés », la croisade de Ciril Dion, le nouvel essor de la culture populaire, ne sont pas des initiatives utopiques : elles attestent des réserves profondes d’imagination, de créativité, de résilience. Serait-il possible qu’elles inaugurent le retour à une période moins violente, plus généreuse, plus responsable ? Pourrait-on penser l’impensable : que l’humanité constate qu’elle se trouve peut-être, après tant de haine et tant de désinvolture, à l’aube d’une mutation, d’une nouvelle ère ?  Que, désarçonnés, confrontés à la tragédie climatique et au désarroi sociétal, l’angoisse nous dévoile, au niveau ontologique, l’existence originelle, dans notre for intérieur, d’un existential qui jusqu’ici, ne nous était pas apparu – ou que nous avions refoulé - : le sentiment de dette envers la Terre, envers la vie, envers notre propre espèce ? Autrement dit : serait-il possible que les hommes, croyants ou athées, réalisent enfin, après s’être conduits longtemps comme des êtres imprévoyants, qu’il leur appartient désormais de « prendre leurs responsabilités » et de s’inscrire de façon résolue dans le Temps du monde ?