Le partage

Lorsqu’Ulysse revint d’un long voyage, son porcher, ne l’ayant pas reconnu, l’accueillit en disant : « Prends mon pain, et prends mon vin. Après, tu me diras qui tu es et ce que tu veux ». Ce passage de l’Odyssée illustre une qualité spécifique de l’Homme : la spontanéité de son accueil, son ouverture à l’autre, sa disponibilité au partage.

En 2007, à l'occasion d’un séminaire à la Sorbonne, nous avons rappelé l’idée du partage dans la Grèce Antique, sous-tendant le mythe des Déesses de la vie et de la mort :  

« Chaque homme reçoit la moira, c’est-à-dire, la part de vie qui lui est réservée. C’est la Déesse Lachésis qui, en tournant son fuseau, enroule le fil de l’existence. Encore aujourd’hui, en grec moderne, moira signifie destin, moirasia, partage, et moiradzô, partager. Pour les Grecs, vivre c’est partager ».

Ainsi, face au drame des réfugiés, accueillir un étranger ne se limite pas à un geste d’amitié, à un repas ou à l’hébergement d’une nuit. Partager implique, au-delà de l'accueil, une prise sur soi du futur d’autrui : assurer à son hôte un apport durable pour lui et ses proches : hébergement, santé, apprentissage de la langue, acquisition d’une compétence professionnelle.

Partager implique qu’on reconnaisse le leurre d’une croissance infinie. C’est prendre conscience qu’ il va de soi,qu’il est impératif, de poursuivre partout, à tous les niveaux, l’objectif de partager autant que se peut les biens, la santé, l’eau et les terres. Partage s’oppose à occupation, à spoliation.

Certains prédisent l’échec, l’effondrement. Et pourtant, plusieurs analystes sont confiants. La solidarité, la sécurité restent possibles, si, au lieu de se bercer des illusions de l’utopie, la société humaine continue à investir résolument, dans un vaste programme d’actions soutenues par des lois contraignantes.